
Complètement bouleversée d'apprendre la disparition de Cécile … le mois dernier, que je ne savais pas …
J'avais débuté en montage d'Eric Rohmer avec Cécile qui a toujours été d'une grande gentillesse avec moi, malgré les avertissements d'Eric à l'époque, “elle fait pleurer tous ses assistants, tu n'as pas peur?”
En janvier dernier, sur un coup de tête, j'avais arrêté ma voiture près de chez elle, en rentrant chez moi depuis Sèvres; on a ensuite passé un après-midi très froid en témperature extérieur mais chaleureux en échanges, sur l'île Séguin, qu'elle avait filmé pendant des années.
Si Marie-Josette Yoyotte est partie, selon l'Ecran Noir, “dans l'indifférence générale” … le départ de Cécile Decugis est passé dans le silence total. Lorsque Rohmer m'avait proposé d'être son assistante sur “La Femme de l'Aviateur” (surtout afin que je puisse gagner un peu de sous et rester en France), il m'a demandé si j'accepterais un poste d'assistanat après avoir réalisé déjà un premier film. Lorsque j'ai su que Cécile a monté “A bout de souffle”, qui est pour nous - étudiants de cinéma du monde entier - une oeuvre mythique, j'ai répondu à Eric que je serais trop contente de balayer la salle de montage pour Cécile.
S'ensuivent des années d'amitié, surtout à distance. Elle ne m'a jamais fait pleurer, au contraire, elle essuyait mes larmes de jeunesse lorsqu'il y a eu une peine de coeur ou qq injustices à mon égard, jeune Chinoise fraîchement débarquée du Canada. Des trajets en voiture dans son 2CV, pour aller manger un couscous en bas de chez elle dans le 15ème… une attention délicate toujours (qui surprend ceux qui ne la connait pas), une amitié assez invraisemblable, je suis remplie de regrets de ne pas avoir fait signe, comme j'avais pensé, dès que je suis rentrée en France en mai. Ce jour-là en janvier, elle avait voulu me retenir plus longtemps, elle m'a fait entrer chez elle, elle m'a passé un DVD de son film sur la démolition de l'usine Regnault sur l'île Séguin. Auparavant, elle m'avait demandé un avis concernant son nouveau film sur son père, un film court mais long en émotion. J'étais très touchée par le film qu'elle peinait à finir avec des galères de tous genres, en montage, en format, en mixage … à l'époque, mes enfants et moi, on s'est dit que c'est incroyable de voir ce bout de femme, à 86/87 ans, garder la foi de création personnelle et porter une oeuvre jusqu'au bout, toute seule ou presque.
J'aurais tellement voulu lui dire un petit adieu.
Ne jamais rapportez à demain le coup de téléphone que vous pensez donner à quelqu'un … faîtes-le aujourd'hui, sur le champ.
(originally published on Tumblr Aug 2, 2017)